Les personnes migrantes mieux protégées

De gauche à droite, la conseillère nationale Léonore Porchet, Philippe Bigler, la journaliste Sophie Dupont, Marie-Claude Hofner et Chloé Maire, travailleuse sociale à la Fraternité du CSP Vaud. / ©CSP Vaud
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De gauche à droite, la conseillère nationale Léonore Porchet, Philippe Bigler, la journaliste Sophie Dupont, Marie-Claude Hofner et Chloé Maire, travailleuse sociale à la Fraternité du CSP Vaud.
©CSP Vaud

Les personnes migrantes mieux protégées

CSP Vaud
Aujourd’hui, les femmes migrantes ne risquent en principe plus l’expulsion de Suisse si elles quittent un conjoint violent. Un progrès obtenu grâce à une modification de loi encore à concrétiser sur le terrain.

Le CSP Vaud a célébré en ce début d’année une victoire concernant les personnes migrantes. Depuis le 1er janvier, une modification de la Loi sur les étrangers leur garantit une meilleure protection. Elles n’ont désormais plus à redouter un renvoi de Suisse si elles quittent leur partenaire violent. Pour la Fraternité du CSP Vaud, c’est l’aboutissement de vingt ans de travail, en collaboration avec le «groupe de travail femmes migrantes et violence conjugale». Entretien avec Marie-Claude Hofner, membre du groupe d’experts chargés de veiller à la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe – dite Convention d’Istanbul –, ancienne médecin associée à l’Unité de médecine des violences du CHUV, et Philippe Bigler, directeur du centre d’accueil MalleyPrairie pour les personnes victimes de violences et du Centre Prévention de l’Ale. 

Qui sont les personnes concernées? 

Philippe Bigler Leurs parcours se ressemblent. Ces femmes rencontrent parfois leur mari à l’étranger et arrivent en Suisse à la faveur du regroupement familial. Certaines se retrouvent enfermées chez elles, prises en otage par leur milieu familial et ne sortent du domicile qu’après huit ou dix mois. Elles font appel à nous lorsqu’elles ont pu obtenir un accès par un médecin ou d’autres professionnels. Souvent, elles sont aux prises avec de graves violences. 

Les violences domestiques contre les femmes migrantes ont-elles augmenté? 

Philippe Bigler C’est difficile à dire, car nous ne faisons pas de monitoring. Mais depuis un an et demi, nous enregistrons un taux d’occupation de 97% de nos centres. Plus nous menons de campagnes de prévention, plus le nombre de femmes qui nous contactent augmente. Notre objectif est de référer ces victimes auprès de professionnels qui puissent leur expliquer leurs droits et créer un lien de manière à identifier les formes de violence. 

Que représente concrètement ce changement de loi pour les personnes migrantes? 

Marie-Claude Hofner Jusqu’ici, une femme migrante qui quittait le domicile conjugal risquait d’être expulsée avec ses enfants. Alors, souvent, elle préférait demeurer avec le conjoint violent plutôt que prendre le risque. Cette victoire vient modifier une situation indigne d’un pays démocratique. 

Philippe Bigler Nos attestations et celles des centres LAVI (Loi sur l’aide aux victimes) pourront désormais être reconnues comme moyens de preuve. Car la difficulté, en cas de violences domestiques, est d’en apporter les preuves devant la justice afin de pouvoir obtenir un permis de séjour ou une condamnation pénale. 

Comment la loi va-t-elle être appliquée? 

Philippe Bigler Nous restons prudents dans le discours que nous tenons aux victimes, même si l’avancée est énorme. Ce n’est pas parce que la loi a changé qu’un permis de séjour leur sera automatiquement accordé. J’attends de voir les impacts de ces changements sur le terrain. 

Marie-Claude Hofner Malheureusement, une loi ne suffit pas à changer la réalité! Sinon, dans notre pays, il n’y aurait aujourd’hui plus d’inégalités salariales entre les hommes et les femmes. L’application de ces modifications doit être surveillée et soutenue par les services spécialisés, les syndicats, les organisations féministes, la société civile. Nous vivons une période effrayante depuis que Donald Trump a été élu. La parole raciste, xénophobe et masculiniste s’est libérée. Des choses horribles peuvent désormais être dites, écrites et parfois mises en œuvre. Il faut absolument que nous ayons le courage de dire que nous ne sommes pas d’accord et la volonté de défendre des valeurs d’égalité et de fraternité.